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La Covid-19 et ses milliers de problèmes en Indonésie : peut-elle être résolue immédiatement ?

Wisnu Adihartono, doctorat en sociologie (études de genre, études sur les migrations, études familiales et études sur l’Asie du Sud-Est) de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)

La Covid-19 a en effet changé les comportements et la manière dont les gens gèrent leur vie. Partout dans le monde, les gouvernements ont imposé différentes politiques pour freiner la propagation du virus, allant de la quarantaine à domicile jusqu’à la restriction des mouvements en passant par la distanciation physique. L’épidémie est un défi pour la société mondiale, de plus en plus interconnectée. L’Indonésie, de par sa configuration archipélagique, sa forte intégration géopolitique et économique, et ses importants flux de personnes, est particulièrement vulnérable aux phénomènes de distanciation physique et sociale, mais aussi affective, générés par cette crise.

L’Indonésie et la Covid-19

L’Indonésie, quatrième nation la plus peuplée au monde, est devenue la cible de critiques pour sa mauvaise réponse en matière de gestion de la Covid-19, qui «ne valorise pas les conseils politiques d’experts externes». Cela a contribué à ce que le pays ait le plus grand nombre de morts de Covid-19 en Asie du Sud-Est, a déclaré Keerti Gedela, rédactrice de theconversation.com le 27 août 2020. Je suis embarrassé et attristé par les Indonésiens qui ne suivent pas les protocoles sanitaires. Je vis actuellement à Jakarta et jusqu’à ce que la nouvelle soit publiée, j’ai vu beaucoup de gens de Jakarta qui ne respectaient pas les règles. Ils s’assoient en groupe sans porter de masques, les centres commerciaux sont ouverts et sont fréquentés par de nombreux clients, et il en va de même pour les espaces de restauration. Des bureaux sont ouverts, de sorte que beaucoup de travailleurs doivent s’y rendre. Mais ironiquement, les écoles sont toujours fermées et les enfants doivent faire l’école à la maison.

Il y a quelques jours, j’ai rencontré un chauffeur de moto ou ojek. Je lui ai demandé pourquoi il ne portait pas de masque. Sans hésitation, il a immédiatement répondu qu’il avait un masque mais qu’il n’en avait que quelques-uns. Il m’a dit que leur prix étant cher, il choisit de le porter un jour sur deux juste pour le bien de sa famille car il a trois enfants. Il m’a également dit que beaucoup de ses amis ne portent pas non plus de masque. Il m’a dit, alors qu’en est-il de mes droits? Je suis une personne pauvre et je dois subvenir aux besoins de ma femme et de mes trois enfants. Le gouvernement indonésien est très insensible aux besoins des gens ordinaires. Nous n’avons pas d’options.  Mes amis et moi devons nous débrouiller seuls ? Nous ne voulons pas non plus tomber malades. Nous avons perdu l’empathie et la sympathie que nous avions pour notre gouvernement. Ensuite j’ai rencontré par hasard une vendeuse de nourriture. Appelons la Ani.  Ani vient de descendre son masque sur le cou. Elle me dit qu’elle le porte s’il y a des gardes de sécurité. Ani m’a fait repenser : qu’est-ce qui ne va pas avec les indonésiens ? Le gouvernement Indonésien a annoncé que les gens devaient continuer à imposer les masques, mais pourquoi les chiffres et la courbe de Covid-19 augmentent-ils chaque jour ?

Le changement d’attitude

Notre expérience avec la Covid-19 change à présent les normes par lesquelles nous construisons et entretenons des relations sociales avec d’autres personnes. Nous sommes désormais plus conscients de nos actions, ce qui affecte la manière dont nous interagissons et nous engageons avec les gens, en particulier avec ceux qui sont proches de nous. Certains sont anxieux, d’autres imperturbables.  Certains peuvent avoir du mal à s’organiser, tandis que pour d’autres, il n’y a pas d’autre choix que de vivre normalement. Le déséquilibre est en train de se creuser entre ceux qui peuvent survivre et ceux qui ne le peuvent pas. Par conséquent, la solidarité sociale, par l’empathie et la sympathie, est nécessaire pour être en contact avec les diverses expériences des personnes traversant une telle crise sanitaire.  

Pour ce faire, nous devons comprendre les changements brutaux qui se produisent autour de nous. Ces changements engendrent une expérience émotionnelle en trois étapes, se traduisant par des modifications de comportement. La première est une étape à court terme marquée par des perturbations soudaines, par des transformations de mode de vie et par un sentiment croissant de perte de liberté au cœur de la quarantaine. Viennent ensuite la confusion et l’incertitude, qui se traduisent par une fatigue mentale due à un confinement prolongé, à l’impact économique et aux réflexions sur la vie et les moyens de subsistance. La troisième étape est l’acceptation de la nouvelle norme, avec des changements de comportement à long terme et une nouvelle vision de la vie.

Où sont l’empathie et la sympathie du gouvernement?

La vie n’a donné aucun choix au conducteur d’ojek. Pour lui, vivre à Jakarta avec sa femme et ses trois jeunes enfants à l’époque de la pandémie est dévastateur. Il ne peut pas acheter les produits de première nécessités pour sa famille. D’une voix légèrement tremblante, il dit que ce n’est peut-être pas un problème pour les riches parce qu’ils peuvent vivre de leur épargne, mais pour nous, nous ne pouvons vivre que de ce que nous avons. Il ajoute également que de nombreuses organisations se sont adressées à lui et ont promis de l’aider. Malheureusement, il n’a reçu aucune aide de ces groupes. C’est sûr qu’avant la Covid-19, le taux de pauvreté était faible mais maintenant, il doit être en forte hausse, déclare-t-il. Le gouvernement semble ne rien savoir de ce problème. Où est l’empathie du gouvernement ? Où est leur sympathie ? grommelle-t-il. 

Alors que les inégalités sociales continuent de croître et que la confiance entre les gens diminue, il est essentiel d’être plus conscient des difficultés d’autrui. Si nous n’essayons pas de comprendre comment les autres gèrent leur vie, de surcroît durant une telle crise, nous allons perdre notre capacité à nous connecter les uns aux autres, ce qui aggrava d’autant plus les défis sociaux, économiques et politiques auxquels nous sommes confrontés. En bref, j’espère vraiment qu’en tant que communauté, nous continuerons à avoir confiance les uns envers les autres et à donner toute leur importance aux sentiments d’empathie et de sympathie.

Relu par Fabien Rousselot, Gabriel Facal

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